
CAN 2021 : Deuxième service pour la Mauritanie
La Mauritanie a su faire preuve de réalisme lors des phases de qualifications de CAN 2021. Leur victoire, sous haute tension face au Centrafrique (1-0), leur a permis de replonger dans cette compétition pour la deuxième fois consécutive. Entre nouvelles ambitions et renouveau aussi bien dans l’effectif que dans le staff, la sélection a les éléments pour produire une meilleure prestation qu’en 2019.
L’équipe nationale de Mauritanie disputait la CAN pour la première fois de son histoire, lors de l’édition 2019 en Égypte. Cette grande première s’est soldée sur une élimination dès le premier tour, avec le lourd bilan d’une défaite et de deux matchs nuls. Le départ du sélectionneur Corentin Martins, donnant lieu à l’arrivée de Didier Gomes Da Rosa, devrait donner un nouveau souffle aux Mourabitounes. Reste à voir si ce souffle sera assez puissant pour les porter au-delà des phases de groupe de cette nouvelle édition au Cameroun.
L’histoire de la sélection
Indépendance et création
Tout comme plusieurs pays africains, la sélection de la Mauritanie a vu le jour quelques temps après son indépendance vis-à-vis de la France. Membre de l’Afrique-occidentale française (A-OF) depuis 1904, la Mauritanie a vu son statut évoluer au fil des années. Passant de territoire d’outre-mer en 1946 à une République en 1958 (à la suite de la dissolution de l’A-OF), avec l’adhésion du pays à la constitution française de Charles de Gaulle.
En novembre 1960 arrive le grand changement. La République islamique de Mauritanie évoque sa volonté de devenir indépendante. En 1961, l’année de son entrée à l’ONU, la Fédération de Football de la République islamique de Mauritanie voit le jour.
Des premiers pas compliqués
La route de la sélection mauritanienne n’a pas été un long fleuve tranquille. Cette équipe a dû se forger à travers de nombreuses défaites avant d’en arriver là aujourd’hui, prête à disputer sa deuxième Coupe d’Afrique des Nations. Des suites de sa création, la Mauritanie participe à la troisième et dernière édition des Jeux de l’Amitié (1963). Créée en 1961, cette compétition oppose différents pays africains dans des jeux sportifs. Lors de cette édition à Dakar, 25 nations africaines en font parties.
En ce qui concerne le football, la Mauritanie désormais indépendante a pu opposer son équipe nationale à celle du Congo-Léopoldville (actuelle République Démocratique du Congo). Les Mourabitounes s’inclinent 6 buts à 0. De là, ils enchaînent les défaites et ressortent de la compétition sans aucune victoire. 1972 marque l’histoire de la sélection, mais dans le mauvais sens du terme. C’est cette année qu’elle enregistre la plus grosse défaite de son histoire, à savoir un 14-0 face à la Guinée. Ainsi, pendant près de 10 ans, la Mauritanie n’a jamais connu la victoire.
Néanmoins, la sélection a appris de ses débuts et a grandement évolué. Nous avons pu le voir concrètement en 2019 avec sa qualification pour la CAN. Maintenant que les Mourabitounes se sont familiarisés avec la compétition, il est temps de montrer l’étendue de leur talent en allant plus loin que la première fois.
Devoir faire mieux
Désormais dans le grand bain en 2019, l’effectif de Corentin Martins a pu expérimenter des adversaires de haut niveau. Lors des phases de groupe, la sélection a dû s’opposer à la Tunisie, au Mali et à l’Angola. Un groupe qui s’annonçait déjà costaud pour le novice. Le bilan fut logiquement très lourd pour la sélection. Une correction face au Mali dès la première journée (4-1), puis, deux matchs nuls face à la Tunisie et l’Angola (0-0).
Vous l’aurez compris, la Mauritanie devra désormais faire mieux. Mais pas seulement par rapport à la CAN 2019. En effet, les phases qualificatives de la sélection pour la Coupe du Monde 2022 ont abouti sur 3 nuls et 5 défaites en 8 matchs. Une contre-performance que Didier Gomes Da Rosa devra faire oublier par le biais des phases de groupe de la CAN.
Un nouveau souffle tactique
Didier Gomes Da Rosa aux commandes
La sélection mauritanienne évoluait avec Corentin Martins depuis 2014. Ce dernier a été licencié en 2021, à la suite du fiasco de son équipe en phases qualificatives de Coupe du Monde 2022. Avant son départ, le technicien leur a tout de même offert la possibilité de disputer la CAN 2021. Tout comme en 2019, où il avait pu amener son équipe en Égypte. Quoi qu’il en soit, ce choix de la fédération mauritanienne affiche une réelle volonté de changer les choses. Ce qui se matérialise par la nomination du français Didier Gomes Da Rosa à la tête de la sélection.
Didier Gomes Da Rosa connaît bien le football africain. Durant sa carrière d’entraîneur, il parcourt ce continent afin de prendre la tête de plusieurs clubs peu en lumière. Avec le dernier qu’il a coaché, le Simba S.C (Tanzanie), il marque l’histoire en obtenant 13 points lors des phases de groupe de Ligue des Champions d’Afrique (4 victoires, 1 nul, 1 défaite). Il remporte également le premier match à l’extérieur du club en phase de groupe contre l’AS Vita Club (Congo, 1-0). Après une FA Cup et une Premier League tanzanienne remportée, il se sépare du club par un accord mutuel pour finalement rejoindre la Mauritanie.
Pour la CAN qui arrive bientôt, Da Rosa devra rapidement imposer sa patte. Ses premiers matchs avec la sélection, en Coupe Arabe de la FIFA, se sont déroulés sous la bannière de l’expérimentation. L’entraîneur a ainsi utilisé trois compositions différentes lors des phases de poules. D’abord un 4-3-3 offensif contre la Tunisie (5-1). En voyant la fébrilité de la défense lors de la correction face aux Aigles de Carthage, Da Rosa opte alors pour un 5-4-1 à plat contre les Émirats arabes unis (défaite 1-0). C’est finalement lors du dernier match face à la Syrie que le coach semble avoir trouvé l’équilibre tactique, à travers l’utilisation du 3-1-4-2. Les Mauritaniens gagneront ce match 2 buts à 1. Il y a donc de bonnes chances de voir la Mauritanie utiliser ce dispositif lors de la CAN.
Le 3-1-4-2 mauritanien
Le but principal de ce 3-1-4-2 sera de trouver l’équilibre requis entre les phases offensives et défensives mauritaniennes. Ainsi, avec cette composition, Da Rosa entend bien marquer les transitions dans le jeu de son équipe. De cette manière, la relation entre ces deux composantes essentielles du football pourra cohabiter.
La charnière centrale est composée de Diadié Diarra (GOAL FC, D4 France), d’Abdoul Ba (Al Ahly SC Tripoli, D1 Libye) et d’Hassan Houbeib (Al-Zawraa SC, D1 Irak). Ces trois défenseurs centraux ont des qualités qui leur permettent d’être efficaces ensemble. Dans l’hypothèse où le marquage individuel est privilégié à la défense en zone, nous pourrions imaginer le capitaine Abdoul Ba en tant que libéro. En effet, son jeu de tête et ses interventions défensives lui permettent de se montrer utile dans toutes les zones défensives. Ainsi, Diarra, qui a montré ses qualités dans les situations de 1 contre 1, accompagné des belles relances d’Houbeib dans les pressings hauts, pourrait se montrer intéressant. Babacar Diop est le gardien qui complète ce quatuor défensif. En place dans la sélection depuis 2019, un nouveau système défensif devrait lui faire le plus grand bien.
Le milieu de terrain est l’endroit qui sera moteur dans la métamorphose du jeu mauritanien. L’élément central de ce changement est porté ici par Khassa Camara (NorthEast United FC, D1 Inde). Son poste de milieu défensif lui permettra à la fois de contrôler, mais surtout de dicter la possession. Il porte ainsi la volonté de l’entraîneur d’instaurer un équilibre dans le jeu de la sélection. Pour l’accompagner dans cette tâche, il dispose de Sidi Yacoub (AS Vita Club Kinshasa, D1 RDC). Le milieu de terrain récupérateur excelle surtout dans son travail d’anticipation dans l’entrejeu. Pouvant donner d’éventuelles contre-attaques intéressantes. D’un autre côté, Ibréhima Coulibaly (Le Mans FC, D3 France) montre du caractère et ne se laisse pas déstabiliser par ses adversaires. C’est ce qu’il lui permet de faire la liaison entre l’attaque et la défense, en tant que milieu relayeur fiable.
Aly Abeid (Valenciennes FC, D2 France) et Harouna Abou Demba (sans club après avoir quitté Grenoble, D2 France) sur les côtés jouent un rôle bien spécifique. La vision de jeu d’Abeid est une qualité que le joueur développe en même temps que son explosivité sur son côté. Pièce maîtresse de l’attaque mauritanienne, ce 3-1-4-2 mettra en valeur sa créativité. Intervient alors Harouna Abou Demba. Il permettra à Abeid de prendre des initiatives en attaque, basculant la formation en 3-4-3 momentanément (Abeid allant dans l’axe, juste derrière Kamara et Doukara). Sa solidité défensive sur le couloir gauche est ce dont l’équipe aura besoin lors de cette CAN.
Enfin en attaque, nous retrouvons le tandem Aboubakar Kamara (Aris Salonique FC, D1 Grèce) et Souleymane Doukara (Giresunspor, D1 Turquie). Deux avants-centres qui, par leur expérience en club et en sélection, peuvent rendre les attaques de la Mauritanie très agréables à regarder. Kamara se démarque par sa vivacité dans les derniers mètres. Son sang-froid lié à sa technique lui permettent de mettre à mal les défenses adverses. En espérant que ses attaques soient aussi ravageuses que son surnom, “AK47”. Doukara montre, dans sa manière de se placer, de réels réflexes d’attaquants. Chirurgical et serein à la finition, Kamara est un joueur recherché sur toutes les situations offensives dangereuses.
Le joueur à suivre
S’il y a un à joueur à suivre du côté de la Mauritanie pour cette phase de groupes, il s’agit bien d’Idrissa Thiam. Le jeune joueur de 21 ans est un pur produit de son pays. Il est formé au sein de l’ASAC Concorde, une équipe de première division mauritanienne. Son talent lui a ainsi valu d’être repéré par le Cádiz CF en septembre 2019. À la suite d’une période de prêt où il inscrira 9 buts avec l’équipe B, le club décide de le garder.
Son passage au SCR Peña Deportiva (D3 espagnole) est ensuite avorté par suite de problèmes administratifs. Il retourne donc dans son club formateur en août 2021. Pour sa première sélection, en octobre 2020, il affronte la Sierra Leone. Utilisé en seconde mi-temps, il s’illustre en étant l’auteur de la passe décisive du but de la victoire (2-1).
Idrissa Thiam évolue au poste de second attaquant. Bien qu’il n’ait pu jouer aucun match au Peña Deportiva, son ancien entraîneur Raúl Casañ soulignait l’apport offensif qu’il aurait pu avoir au moment de sa signature. Il louait notamment sa vitesse qui lui aurait permis de jouer sur les ailes en cas de besoin. Aussi bien à l’aise dans les moments où il faut aspirer les attaquants que quand il faut délivrer le ballon au bon moment, le jeune mauritanien a les moyens de s’imposer en sélection. Tout ce qui lui manque est l’expérience, chose qu’il pourra acquérir lors de cette CAN.
Une impression de déjà-vu
Pour sa deuxième CAN, la Mauritanie est dans le groupe F. Un groupe dont la sélection connaît bien les adversaires, puisqu’elle retrouve le Mali et la Tunisie qu’elle avait affrontée en 2019. Petite nouveauté, c’est la Gambie qui prend la place de l’Angola. La Mauritanie devra entamer ces phases de poule d’une meilleure manière qu’en 2019 (défaite 4-1 face au Mali). Cette volonté de partir du bon pied doit donc passer par une victoire face à la Gambie (12 janvier à 17 h). Didier Gomes Da Rosa a d’ailleurs eu l’occasion de commenter son groupe.
« Il y a du potentiel et une marge de progression importante en Mauritanie. C’est vrai, il y a deux favoris incontestables avec le Mali et la Tunisie, mais on peut rivaliser si on bat la Gambie lors de notre premier match. Ce sera déjà comme une demi-finale. La Mauritanie doit franchir un pas ».
Didier Gomes Da Rosa au sujet du groupe de la Mauritanie sur Radio France International (RFI).
Didier Gomes Da Rosa devra porter un souffle de renouveau à cette sélection mauritanienne. Un souffle qui sera tout d’abord tactique. En effet, il faudra retrouver l’équilibre afin de ne pas négliger la défense lors des phases offensives. Surtout, ne pas mettre de côté l’attaque dans le seul de but de tenir la défense. Enfin, un souffle de renouveau dans les ambitions de la sélection, qui aura toutes ses cartes à jouer pour une place au second tour.
Laisser un commentaire